Les avantages des « fontaines réseau » sur les « fontaines bonbonnes »
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Ce que dit la loi « Egalim » au sujet de l’obligation de fontaines à eau en entreprise
La loi dite « Egalim », parfois dite « loi alimentation », est désormais invoquée pour mettre en lumière l’obligation pour les professionnels à investir dans une fontaine à eau (voir à titre indicatif notre article « Aiguiser son regard : l’art de choisir sa fontaine à eau »). Mais que dit en substance cette loi, dont les surnoms sont bien plus évocateurs que son titre officiel de « Loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 » ?
Si ce texte récent n’a aucun secret pour vous – de ses différents axes de travail aux différentes étapes qui ont jalonné sa promulgation – passez votre chemin ; mais si ce nom demeure obscur et que vous souhaitez en savoir davantage, cet article est là pour en récapituler les points essentiels, qui touchent de près notamment à la question de l’accès à l’eau potable dans le milieu du travail.
Que l’on rassure le lecteur inquiet de se trouver confronté à un jargon d’homme de lois impénétrable : nous n’avons pas l’ambition de disserter de manière exhaustive sur ses tenants et aboutissants. Le but de cet article est de synthétiser les enjeux de cette loi, en particulier en ce qui concerne l’accès à l’eau.
À ce titre, la loi Egalim peut se lire comme une tentative de cadrer certains comportements en faveur d’un rapport plus conscient au monde, tant il est vrai, pour reprendre les paroles prophétiques de Rabelais, que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
1. Les grands axes de la loi Egalim
Le terme « Egalim » n’a tout d’abord rien à voir avec le contenu de la loi, lequel légifère en faveur d’un « équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire » et « d’une alimentation saine, durable et accessible à tous ». Le terme est une abréviation qui désigne les « États généraux de l’alimentation », qui sont des assemblées des représentants de toutes les parties concernées par l’alimentation sous ses différents aspects – qualitatifs, quantitatifs, sécuritaires, etc.
La loi « alimentation du 30 octobre 2018 » dont il est question résulte des seconds États généraux de l’alimentation lancés par le président Emmanuel Macron en 2017.
La loi Egalim poursuit plusieurs objectifs bien délimités en 69 articles – lesquels on fait l’objet de plus de 300 heures de débats au Parlement et de plus de 5 000 amendements. Ce qui la rend difficile d’accès est le fait qu’elle vient modifier de nombreux articles de différents codes, et qu’elle se prolonge en nombreux décrets.
On peut en dégager synthétiquement cinq axes principaux :
- Rémunérer de façon plus juste les producteurs afin de leur permettre de vivre plus dignement de leur travail.
- Favoriser une alimentation saine, sûre et durable pour tous, en renforçant la qualité nutritionnelle des denrées.
- Améliorer les conditions sanitaires de production et leur impact environnemental.
- Renforcer les engagements concernant le bien-être des animaux.
- Réduire l’usage du plastique dans le domaine alimentaire.
On peut résumer à cet égard cette loi comme une feuille de route pour rééquilibrer les forces en jeu dans les relations commerciales liées à la grande distribution : des producteurs aux consommateurs, en impliquant les intermédiaires qui participent de ce système d’échanges.
2. Une législation pour les fontaines à eau
On ne s’étendra pas ici sur les aspects sociaux impliqués par la loi, ni les enjeux éthiques liés au traitement des animaux, ni non plus l’axe en faveur d’une alimentation saine. Non pas que ces aspects ne nous touchent pas ou ne nous intéressent pas ; mais ils s’avèrent trop éloignés du domaine des fontaines à eau qui est notre domaine de spécialité.
Trop peu de responsables d’entreprises savent en effet qu’en vertu de l’article L.541-15-10 du code de l’environnement, les établissements qui reçoivent du public (abrégés souvent en ERP) se voient dans l’obligation d’être équipés d’une fontaine d’eau potable accessible au public.
Chaque terme renvoie à une définition qui est précisée par le décret 2020-1724 voté en conseil d’état le 28 décembre 2020 visant à établir diverses dispositions pour lutter contre le gaspillage. Plus concrètement, l’article D 541-340 de ce décret stipule que :
- Les établissements soumis à l’obligation de mettre à disposition au moins une fontaine d’eau potable relèvent de la « première, deuxième et troisième catégorie » (définies par l’article R. 123-19 du code de la construction et de l’habitation) dès lors qu’ils sont déjà raccordés à un réseau d’eau potable. Soit des établissements aptes à recevoir au moins 301 personnes.
- Le nombre de fontaines à mettre à disposition est calculé en fonction de la capacité d’accueil de l’établissement. Ce nombre minimum obligatoire est calculé en fonction du nombre de tranches de 300 personnes que peut accueillir l’établissement.
- Le terme « fontaine d’eau potable » désigne tout dispositif de distribution d’eau potable raccordé au réseau d’eau et permettant de remplir un contenant pour boisson.
(On peut rappeler ici que le code du travail stipule clairement qu’un robinet dans des sanitaires ne peut en aucun cas correspondre à cette définition en regard des problèmes d’hygiène et du fait que l’employeur est dans l’obligation de fournir de l’eau fraîche en-dessous de 12° – voir à ce sujet notre article « Le diable se cache dans les détails »)
Cette obligation de mise à disposition d’une fontaine à eau branchée sur le réseau est en vigueur depuis le 1er janvier 2022. Et toute infraction peut être soumise à une amende : un exploitant d’ERP contrevenant à ces dispositions s’expose en effet à une peine de contravention de 1 500 euros d’amende, et 3 000 euros en cas de récidive (article R541-351 du code de l’environnement).
3. Un tournant en faveur de l’écologie
Il peut être à première vue surprenant de lire dans un texte de loi touchant à l’équilibre des relations commerciales et à la qualité des aliments des formulations concernant l’obligation de s’équiper de fontaines à eau – qui plus est des fontaines qui, comme nos modèles, se branchent sur le réseau.
Cette législation prend davantage de sens du point de vue d’un engagement écologique, lequel entre en résonance avec notre propre projet, impliqué dès le début dans une démarche consciente de responsabilité environnementale – comme en témoigne notre propre charte RSE. Elle s’empare en effet des enjeux contemporains, devenus brûlants, liés à la prise de conscience de notre impact de plus en plus alarmant sur le monde.
En particulier, la loi Egalim complétant l’article L. 541-15-10 du code de l’environnement a pour objectif de réduire drastiquement l’utilisation du plastique, en ciblant en priorité tout ce qui constitue l’ensemble des produits jetables, afin de favoriser une optique davantage durable.
De façon concrète, sans prétendre ici à lister avec exhaustivité tous les éléments touchés par la loi (qui vont des touillettes aux emballages), cela se traduit notamment par :
- La fin des gobelets, des verres et des assiettes jetables de cuisine depuis le 1er janvier 2020.
- L’interdiction d’utiliser des bouteilles d’eau plate en plastique dans le cadre de services de restauration collective scolaire depuis le 1er janvier 2020.
- Le fait qu’à compter du 1er janvier 2022 l’état français n’achète plus de plastique à usage unique en vue d’une utilisation sur les lieux de travail et dans les événements qu’il organise.
- L’interdiction de distribuer gratuitement des bouteilles en plastique pour boisson en milieu professionnel depuis le 1er janvier 2021.
Car il faut mesurer que les matières plastiques – qui sont des polymères synthétiques aux mille et une applications – connaissent un succès commercial colossal qui engendre, en retour, une pollution alarmante : la production de plastique a augmenté de 7,8% en France rien qu’entre 2016 et 2017 ; et on estime chaque année que sont déversés 11 200 tonnes de déchets en plastique d’origine française dans la mer Méditerranée.
Or, en 2019, le commissariat général en développement durable n’évaluait qu’à 22% le recyclage des déchets plastiques du pays, et 26% des emballages plastiques – loin donc de l’idéal éco-responsable d’un recyclage de l’ensemble de nos déchets de cette matière quotidienne.
4. Ne pas perdre de vue l’horizon…
Si la loi Egalim s’empare des enjeux écologiques de notre monde et tente d’endiguer des habitudes ancrées dans des bases industrielles et polluantes difficiles à défaire, il faut prendre conscience qu’elle ne fait que poser les jalons vers une évolution significative de notre rapport au monde – surtout face à certains objets qui jouent un rôle qui les rende parfois indispensables.
Cette première étape n’est pas elle-même irréprochable, en dépit de ses bonnes intentions. On peut regretter ainsi que l’article 78 de la loi, qui offrait la possibilité d’acheter des semences de variétés traditionnelles appartenant au domaine public afin de lutter contre la perte de biodiversité, ait été censuré par la Haute-Cour. Ou encore que la réduction des marges de l’industrie et de la grande distribution n’ait pas encore eu lieu ; qu’elle a au contraire progressé au prix d’une inflation pénible.
L’enjeu clef reste le fait d’être en mesure d’aiguiser notre conscience, en se rappelant l’adage de Rabelais, pour agir d’une façon qui devance les problèmes hérités d’une vision d’un monde doté de ressources infiniment abondantes. Ce qui peut se traduire par une démarche de questionnement pour vérifier le fait d’investir dans une société dont l’éthique et la démarche répondent à des objectifs soucieux d’écologie
Cela concerne le fait de savoir :
- Dans quelle démarche de recyclage se trouve investie la société vers laquelle vous vous tournez ?
- Quel est l’origine du matériel (pour savoir la distance qu’il a parcourue pour vous parvenir) ?
- Qu’en est-il de sa conception : est-il facile à réparer ou s’inscrit-il dans le mouvement d’obsolescence programmée dont il devient urgent de trouver une issue ? (voir à ce sujet notre article : « Aiguiser son regard »)
Investir dans une fontaine branchée sur le réseau est une solution simple pour ne plus investir dans des bouteilles d’eau, auxquelles se rattachent des lobbys puissants. Une solution que nous cherchons pour notre part à renforcer en proposant des gourdes durables ou des gobelets en carton de fabrication française entièrement recyclables, dont la fabrication est associée à une démarche de forêts durablement gérées, ainsi que des « éco-cup » réutilisables, fabriquées à base d’algues biodégradables.
Ce choix vient également répondre à d’autres aspects de la loi Egalim, en particulier celle de favoriser une alimentation saine, dans la mesure où tous nos modèles sont équipés d’un système de filtration naturelle qui élimine les éventuels résidus agressifs que l’on peut retrouver dans le réseau – lesquels peuvent limer la confiance en cette ressource précieuse (voir notre reportage sur le circuit de l’eau : Le périple de l’eau).
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Comme toute loi, le texte dit Egalim implique un certain nombre de contraintes qui peuvent susciter soupirs et grogne. Mais il s’agit d’un tremplin pour lutter sur le terrain d’un conflit silencieux : celle entre les géants minéraliers qui tirent profit de la vente d’eau en bouteilles contre ceux qui cherchent à promouvoir des solutions moins coûteuses et beaucoup plus responsables. Non pas que l’eau minérale ne dispose pas de propriétés intéressantes ; mais rappelons que ce marché représente 9,3 milliards de litres d’eau en bouteilles plastique, et surtout 310 000 tonnes d’emballages à recycler…
À ce titre, ce n’est pas obéir aveuglément à la loi – même si nul n’est censé l’ignorer… – qui est l’horizon à garder à l’esprit, mais le fait de cultiver un rapport conscient et mesuré à nos besoins. Car ce sera sans doute la somme de tous les gestes, qu’ils soient modestes ou fermement engagés, qui feront progressivement pencher la balance vers un monde à visage plus hospitalier.
S’il est plus facile pour nous d’œuvrer sur le terrain des entreprises ou des professionnels de la restauration, nous sommes ici conscients que l’un des grands tournants à venir concerne… vous, en tant que particulier. Car il n’y a pas d’horizon écologique sans les individus pour lui donner vie…