L’EFFICACITÉ DE L’HOMÉOPATHIE : LA RÉALITÉ D’UN MYTHE
12 février 2024LES MULTIPLES EMBÛCHES SCIENTIFIQUES DE L’EAU
20 juin 2024De la mémoire à l’influence de l’eau…
L’expérience étonnante de Luc Montagnier
Parmi toutes les figures scientifiques contemporaines qui ont marqué l’histoire, celle de Luc Montagnier est sans doute la plus controversée – et aussi la plus détestée au sein du milieu académique en France. Au point qu’il est décédé le 8 février 2022 dans une indifférence quasi-générale en dépit de l’obtention d’un prix Nobel avec Françoise Barré-Sinoussi pour l’une des découvertes majeures du XXe siècle.
Si Luc Montagnier est une figure controversée, c’est pour avoir fait le choix audacieux, après l’acquisition de son prix Nobel, de prolonger les recherches sulfureuses de Jacques Benveniste sur la « mémoire » de l’eau. Et ses travaux, plus encore que ceux de Benveniste, ont provoqué un tel tollé dans le milieu académique qu’une pétition a circulé pour le destituer de son prix Nobel.
Il existe de fait un phénomène désigné par le terme de « maladie du Nobel » ou « nobelitis » qui est une forme admise d’ultracrépidarianisme (le comportement qui consiste à exposer un avis sans avoir de légitimité à cet égard) dans la mesure où l’acquisition d’une distinction aussi prestigieuse peut engendrer une attitude d’expert dans des domaines à laquelle la personne est étrangère, parce que cette récompense confère une autorité prodigieuse.
L’objet de cet article n’est pas de défendre toutes les opinions de Luc Montagnier ni de prouver qu’il n’était pas susceptible d’être touché par ce phénomène. En revanche, il paraît plus que douteux que le choix de poursuivre des recherches qui ont détruit la carrière de Benveniste s’explique par une attitude de pure provocation ; mais plutôt par le désir de poursuivre une véritable intuition scientifique allant à l’encontre de la doxa dominante, en s’estimant sans doute à l’abri en vertu de la reconnaissance propre à un prix Nobel.
Cet article prolonge ainsi celui consacré aux travaux pionniers sur la « mémoire » de l’eau menés par Jacques Benveniste pour s’attacher à ceux qui ont tenté d’infléchir la médecine actuelle, fondée sur le prédicat de la chimie, en introduisant le concept d’une « biologie numérique » : soit une biologie fondée pour une part sur les principes de la physique quantique, au profit d’une interdisciplinarité qui paraît un défi insurmontable.
1 La tentative d’une « biologie numérique »
Contrairement à ce que l’affaire de la « mémoire » de l’eau laisse penser au premier abord, les recherches de Benveniste ne se sont pas arrêtées face à la tourmente médiatique dont il a fait l’objet. Poursuivant ses travaux sur les hautes dilutions, il imagine en effet le principe d’une « biologie numérique ».
Celle-ci se fonde sur l’hypothèse, pour expliquer les résultats troublants obtenus avec des hautes dilutions, que les principes actifs pourraient générer un signal de nature électromagnétique à basses fréquences qui, d’une façon ou d’une autre, viendrait s’imprimer dans l’eau. En retour, l’eau liquide serait capable de restituer ces fréquences à la façon d’un signal biologique pour produire les résultats qu’il a mis en lumière.
Cette partie des recherches de Benveniste est particulièrement longue et semée de rebondissements, qu’il est difficile de résumer ici en quelques lignes. Aussi ne fera-t-on ici qu’en tracer rapidement le parcours.
Jacques Benveniste, en collaboration avec l’institut de recherche du magnétisme du CNRS, parvient tout d’abord à démontrer l’influence de champs magnétiques de basses fréquences sur l’activité de cœurs installés dans des systèmes Langendorff (un appareillage qui contrôle l’activité cardiaque d’un cœur d’animal, maintenu en survie par perfusion de sérum physiologique).
L’hypothèse qui guide cette recherche est la théorie en spectroscopie moléculaire du « train d’ondes » : si chaque structure vivante produit une vibration qui lui est propre dans la gamme des hautes fréquences (proche des infra-rouges), les innombrables fréquences animant les atomes et les molécules peuvent créer un battement fréquentiel qui résume toutes ces vibrations en une seule onde, dont la fréquence, elle, peut être bien plus basse.
Les nombreux résultats positifs de ces expériences amènent Benveniste à s’inspirer des travaux d’Endler et Schulte, qui seraient parvenus à enregistrer un signal biomoléculaire de nature électromagnétique sur un support numérique (un CD-Rom à l’époque) – travaux par ailleurs publiés dès 1995.
Benveniste adapte le système Langendorff en le couplant à un amplificateur pour enregistrer les signaux électromagnétiques et les stocker sous forme numérique ; et afin de tester cette idée, il met en place un protocole en collaboration avec le NIH américain (National Institutes of Health).
Lors de la phase pilote, 11 expériences sur 23, réalisées en double aveugle, donnent des résultats positifs qui valident la réalité de « signaux numériques » ainsi que leurs effets sur des systèmes biologiques simples, et dont l’une est réalisée en public.
Commence ensuite la phase test où les chercheurs américains tentent de reproduire ces expériences. Or, après plusieurs dizaines de tentatives, leur équipe s’avère incapable de mettre en évidence une activité par le biais de la « biologie numérique ». L’une des raisons démontrée est l’influence de l’expérimentateur ; ce qui va à l’encontre de la démarche empirique en recherche médicale.
Pour cette raison, la question de la « mémoire » de l’eau est définitivement classée sans suite et Benveniste mis au banc des fraudeurs.
2 Émissions électromagnétiques de l’ADN
En dépit de l’utilisation d’un robot analyseur afin d’éliminer le risque d’une interférence de l’observateur et d’isoler avec précision la détection d’une transmission électromagnétique, des anomalies récurrentes dans certaines expériences invalident l’hypothèse de Benveniste. Néanmoins, on ne peut nier que de nombreuses expériences ont abouti à des résultats régulièrement cohérents.
Malgré l’impossibilité d’échapper à une variabilité problématique, la constance de résultats positifs obtenus, toujours du même ordre de grandeur, a de quoi interpeller et rend difficile de croire en un hasard organisé. Ceux-ci restent donc orphelins d’une explication, alors qu’ils témoignent de la présence d’un facteur qui induit des variations significatives dans les systèmes biologiques, que la chimie ne peut expliquer.
Or, l’hypothèse suggérée par Benveniste d’un phénomène électromagnétique qui influence certains systèmes biologiques retient l’attention de Luc Montagnier.
Ce dernier est en effet confronté à la réapparition de microorganismes infectieux dans des substrats qui ont pourtant suivi des procédures de filtration pour les stériliser. Les pores de ces systèmes de filtration sont beaucoup plus fins que les éléments toxiniques et devraient protéger le substrat ; mais la mise en culture du substrat voit la régénération et la réapparition spontanée de certaines bactéries.
Or, en 2009, Montagnier constate l’émission de signaux électromagnétiques de basses fréquences émis par des filtrats de bactéries d’où les microorganismes sont absents – leur absence est vérifiée par PCR, qui est une méthode de multiplication des séquences d’ADN qui a connu son heure de gloire avec le virus du sida.
Luc Montagnier reprend alors les recherches de Benveniste sur l’enregistrement numérique de séquences électromagnétiques dans de hautes dilutions en plaçant un tube à essai dans le champ d’une bobine électrique reliée à un ordinateur – en sorte que la séquence enregistrée peut être stockée sur disque dur.
Grâce à ce protocole, il détecte des signaux dans des solutions diluées, lesquels se distinguent avec clarté du bruit de fond électromagnétique ambiant (illustré par l’analyse d’une solution neutre) et ce pour de nombreuses espèces bactériennes (mycoplasma pirum, streptococcus, staphylococcus aureus, pseudomonas aeruginosa, proteus mirabilis, etc.), y compris pour du sang humain infecté par le virus du sida.
Qui plus est, il met en lumière que l’intensité de ces ondes ne dépend pas du nombre de bactéries mises au préalable en solution, ce qui souligne la dimension remarquablement qualitative de ce signal.
C’est à partir de ce schéma expérimental que Montagnier parvient à isoler des émissions électromagnétiques provenant de hautes dilutions de fragments d’ADN de la bactérie Escherichia Coli, ce qui va le conduire à réaliser une expérience encore plus audacieuse.
3 Une expérience digne d’un tour de magie
Montagnier ira beaucoup plus loin avec une expérience si stupéfiante qu’elle a été disqualifiée par son caractère révolutionnaire sous la désignation moqueuse de « téléportation de l’ADN ».
Ses recherches le conduisent en effet à remarquer que les émissions électromagnétiques de fragments d’ADN tendent à disparaître s’ils ne se trouvent pas dans un environnement stable (proche de celui dans lequel il baigne dans une cellule). C’est cette observation qui le met sur la piste de l’eau, en formulant l’hypothèse que les couches de molécules aqueuses formant un gel autour de l’ADN (l’eau morphogénique) joueraient un rôle clef.
Il teste alors avec un laboratoire en Italie une expérience cruciale qui consiste à enregistrer un signal électromagnétique d’ADN d’une haute dilution et à le transmettre par Internet.
L’objectif ensuite est d’exposer la séquence électromagnétique isolée et retransmise par voie numérique à un échantillon d’eau pure à l’aide d’un amplificateur. Après une exposition suffisante, l’échantillon est soumis à un test PCR : on lui ajoute des constituants chimiques de base de l’ADN ainsi qu’une enzyme appelée polymérase.
La polymérase a pour fonction de dupliquer l’ADN, à condition qu’elle dispose d’un brin de séquence génétique déjà complet pour la compléter puis la multiplier. Or, sans brin d’ADN pour la guider, il ne devrait en théorie rien se passer dans un tube où l’on ne trouve que des constituants inertes.
Cependant, l’expérience conduit à la reconstruction d’une séquence d’ADN complète à 99% identique à l’élément initialement dilué. Elle met ainsi en lumière un pouvoir de recombinaison et de restructuration du matériel biologique en l’absence d’une structure guide grâce aux ondes électromagnétiques mémorisées par l’eau.
Cette expérience a fait l’objet d’un reportage diffusé en 2014 qu’il est encore possible de consulter sur certaines plateformes de diffusion (de plus en plus difficilement toutefois) : soit une tentative de réhabilitation des travaux de Jacques Benveniste conçue pour convaincre le grand public. Ce qui a provoqué en retour un tollé prodigieux dans le monde scientifique à l’égard de Luc Montagnier.
Il va de soi qu’un tel reportage ne peut se substituer à un travail de publication avec la rigueur qu’exige le formalisme scientifique : il s’agit de le prendre pour ce qu’il est, un exercice pédagogique avec tous les défauts (et par ailleurs qualités) qui correspondent à cette démarche.
Cependant, il existe plusieurs publications qui font suite à cet exploit et qui, contrairement à ce qui est généralement relayé pour disqualifier cette expérience, viennent en étayer les fondements scientifiques.
4 Le concept versatile d’« information »
On peut s’interroger sur la réaction médiatique générale qui, une fois encore, s’est évertuée à décrédibiliser virulemment les tentatives de mettre au jour la « mémoire » de l’eau. D’autant que, de façon remarquable, Luc Montagnier a fait l’effort de collaborer avec des physiciens de renom, en particulier Vitellio, Del Giudice et Tedeschi dont les contributions sont majeures, afin d’étayer la validité de ses travaux.
Ainsi, de nombreuses critiques ont été émises à l’égard de son protocole expérimental, notamment l’absence de protection contre le brouillard électromagnétique ambiant.
Une critique pertinente en physique classique, mais qui s’effondre en regard du concept de cohérence de phase quantique (voir notre article sur la structure quantique de l’eau) ainsi qu’en regard du phénomène de résonance stochastique qui amplifie en réalité le signal recherché.
Cette expérience de « téléportation » de l’ADN constituerait en tout cas un exploit considérable, dont les répercussions seraient décisives pour la science. Si l’on emploie le conditionnel ici, c’est parce qu’il est vrai :
- d’une part, que Luc Montagnier a fourni peu de preuves au sujet de cette expérience
- et, d’autre part, qu’il n’existe aucune tentative de reproduction de cette expérience dans la littérature scientifique.
Mais le serpent se mord à la queue à cet égard, puisque ceux qui critiquent ses protocoles ne se risqueront jamais à les reproduire ; et la peur du ridicule, face à un sujet estampillé de pseudoscience, réduit drastiquement les chances d’attirer l’intérêt de ceux qui souhaitent faire carrière.
Qui plus est, cette expérience se situe à l’intersection de deux disciplines scientifiques : la biologie médicale et la physique. Or, les chercheurs en médecine sont loin d’être les plus affûtés en matière de connaissances en physique.
Cette séparation des domaines ainsi que des sensibilités fournit une possible piste d’explication concernant la réception désastreuse de cette tentative de Luc Montagnier de prouver la « mémoire » de l’eau, laquelle toucherait à l’imaginaire véhiculé par le concept d’« information ».
Généralement, la notion d’information renvoie à un contenu de nature intangible qui se contente d’être transmis jusqu’à un récepteur, et qui dépend de la clarté du signal.
Cette dimension intangible – le fait que nul n’a jamais vu d’information, sans pour autant douter de son existence (surtout dans notre société actuelle où elle tient une place prodigieuse) – induit l’idée qu’elle n’a pas d’effet par elle-même : elle se contente d’être une réalité parallèle qui permet simplement à la conscience de faire des choix.
Or, étymologiquement, le mot information signifie « donner une forme » : toute information porte ainsi en elle une puissance d’action sur la réalité. Ce dont les physiciens sont parfaitement conscients grâce aux expériences où des grains de sable forment des architectures en fonction de fréquences sonores émises.
Réciproquement, il n’y a donc rien d’inconcevable à ce qu’une onde électromagnétique puisse structurer des micro-éléments biologiques selon une logique précise.
5 Un changement de paradigme
On comprend que ce qui pose essentiellement problème avec l’expérience de Luc Montagnier, c’est qu’elle induit un changement de paradigme majeur : c’est-à-dire une réorganisation décisive de la façon de penser et de concevoir la réalité, que l’on aborde par le biais des conceptions validées scientifiquement – la science jouant en effet le rôle de garant à la place qu’avaient autrefois les systèmes religieux.
Au-delà de son caractère a priori fantasque, la « biologie numérique » imaginée par Jacques Benveniste, puis défendue par Luc Montagnier, est à concevoir comme une tentative de promouvoir ce changement de paradigme en incorporant les bouleversements conceptuels introduits en particulier par la physique quantique, laquelle s’applique aux échelles nanoscopiques.
Si cette physique est relativement populaire dans l’imaginaire collectif et joue un rôle concret au quotidien au travers de nombreuses inventions (dont les composants électroniques), elle percole encore difficilement dans la façon d’appréhender la réalité.
En particulier, le domaine de l’électromagnétisme demeure pour beaucoup une réalité ésotérique, dans la mesure où il échappe au concept de « masse » qui s’applique à la matière.
C’est pourtant à cette révolution quantique que la médecine est conviée alors que s’accumulent les preuves d’un monde qui obéit, aux échelles minuscules, à des lois différentes de ce dont on fait l’expérience au quotidien.
En particulier, l’expérience des « fentes de Young », qui a mis en lumière le comportement paradoxal des particules (à l’origine du concept de dualité onde-corpuscule), a été appliquée à l’échelle d’une cellule… et a révélé que la majorité de ses composants obéissaient à un comportement ondulatoire !
Les bouleversements induits par cette expérience fondamentale sont décisifs, car elle implique de renoncer aux représentations de la chimie simulant la notion de molécules à l’aide de bâtons et de boules, dont l’appréhension est intuitive. Soit l’exigence d’amender tous les livres de médecine traitant de la cellule et de la chimie organique…
*
* *
La contribution de Luc Montagnier sur la transmission de signaux électromagnétiques entre un substrat contenant du matériel biologique (notamment de nature génétique) et l’eau, dans le sillage des recherches de Jacques Benveniste, s’avère pour l’essentiel beaucoup plus discrète ; mais elle est à l’heure actuelle presque irréfutable. À l’exception de son expérience spectaculaire de « téléportation » de l’ADN, ses études sont en effet qualifiées de hautement reproductibles et nombre de ses expériences ont été répliquées par des laboratoires étrangers.
Ainsi, après plus de deux décennies de recherches prometteuses, la « biologie numérique », officiellement abandonnée, s’est trouvée à l’orée de démontrer l’existence de la « mémoire » de l’eau, alors même que Montagnier a choisi la voie de la chimie moléculaire comme support d’étude.
Mais l’histoire s’est enrayée face une campagne de discréditation soutenue par presque l’ensemble de la communauté scientifique (parmi les rares qui ont eu le courage de le soutenir, on peut noter les scientifiques qui ont répondu présents au congrès de l’UNESCO en octobre 2014, évidemment boycotté…) en raison de la provocation inhérente à une approche remettant en cause de façon frontale le dogme établi.
Toutefois, on ne peut qu’être troublé par le fait que les propriétés singulières de l’eau aient suscité l’intérêt de nombreuses figures prestigieuses (en France mais aussi dans d’autres pays), dont les accomplissements ont été récompensés par des distinctions que la plupart de leurs détracteurs les plus acharnés n’ont jamais reçus – fût-ce au prix d’une disqualification goguenarde de leurs récompenses.
Mais si toute parole émise par une autorité légitime peut être disqualifiée, qui croire alors parmi ceux qui ont mérité de recevoir, par exemple, un prix Nobel ? Peut-être personne. Mais dans ce cas, nul alors ne détient d’autorité légitimante – pas même ceux qui se positionnent en garant d’une pratique scientifique sérieuse à l’encontre de toute démarche pionnière aussitôt qualifiée de pseudoscience…