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L’enjeu vital de bien s’hydrater
Bien s’hydrater est un poncif. Nul n’ignore qu’être privé de façon prolongée d’eau touche les fonctions physiologiques fondamentales du corps, jusqu’à mettre rapidement en péril la santé de l’individu : il est admis que l’accès à moins de 2 litres d’eau par jour ne permet plus d’assurer correctement le besoin vital de s’hydrater.
C’est évidemment un sujet que tout spécialiste en distribution d’eau prend soin d’aborder en développant les conséquences que peut provoquer une hydratation insuffisante, notamment dans la sphère professionnelle. Ce n’est toutefois pas le sujet de cet article. Pour le traitement habituel de cette question, on renverra aux mille articles qui déjà existent et rabâchent les aspects évidents de cette question.
Le « pourquoi » qui nous intéresse ici n’est dès lors pas d’ordre pragmatique (au sens de bien boire pour telle ou telle raison), mais d’ordre explicatif (au sens de la raison à l’origine du phénomène). Le propos de cet article est ainsi de retracer à grands traits l’origine de la vie sur Terre afin de mieux comprendre le lien étroit entre l’existence et le besoin de s’hydrater auquel nous sommes, en tant qu’organismes, assujettis.
Ce faisant, c’est à une possible reconnexion spirituelle que l’on convie dans le contact d’une matière aussi répandue et en apparence aussi simple que l’eau, qui joue un rôle décisif dans notre épanouissement physique au quotidien. Car la quête du miraculeux peut parfois faire passer à côté des aspects prodigieux de la Nature tant ceux-ci peuvent prendre un visage banal – comme le fait de boire simplement de l’eau.
1. Une matière née des étoiles
On a longtemps cru que l’eau était un corps indécomposable ; c’est pourquoi il est associé dans l’imaginaire primitif à l’un des éléments principaux du monde, avec le feu, la terre et l’air. Il faut attendre les efforts conjugués des chimistes Priestley, Cavendish, Lavoisier et Monge à la fin du XVIIIe siècle pour abattre cette croyance en révélant que l’eau est une matière composite : une combinaison de deux gaz, l’oxygène et l’hydrogène.
Et il faut attendre le début du XIXe siècle pour comprendre que la molécule de l’eau est H2O grâce aux travaux du chimiste Avogadro, et non HO comme l’avait cru au départ le physicien Gay-Lussac – car la théorie de l’époque était en faveur de rapports équivalents entre les composants atomiques.
Mais d’où viennent à l’origine ses constituants atomiques ? Des étoiles elles-mêmes, là où les atomes, par des réactions nucléaires puissantes, sont apparus.
Dans le creuset de températures et de pressions phénoménales apparaît en effet l’atome le plus simple de l’univers : l’hydrogène. Puis, par accrétion des noyaux de ces atomes, se sont formé tous les autres éléments que l’on répertorie dans le tableau de Mendeleïev.
Ainsi l’oxygène résulte de la fusion dans les Géantes rouges (des étoiles qui entament un processus thermonucléaire de fusion de l’hydrogène) d’un noyau d’hélium – qui vient de la fusion de 2 noyaux d’hydrogène – avec un noyau de carbone – qui vient de la fusion de 3 noyaux d’hélium.
La molécule d’eau en elle-même ne peut toutefois se former qu’en surface des Géantes rouges, à des températures de surface de 3000°K et 4000°K ; car ces étoiles, en croissant en taille, tendent à se refroidir à leur surface plus éloignée de leur cœur brûlant. Puis cette eau est projetée sous forme de gaz à travers l’espace lorsque ces étoiles, au terme de leur existence, finissent par exploser en supernova.
2. Du déluge au cycle de l’eau
L’eau, qui est la clef de voûte de tout le règne du vivant sur notre planète, est donc avant tout une matière forgée grâce aux étoiles et à leurs réactions nucléaires dantesques.
Mais comment se fait-il que la Terre soit la seule planète de notre système à révéler ce visage bleuté que lui confère la présence d’eau, notamment sous sa forme liquide ? C’est dû à un ensemble de facteurs que l’on ne pourra pas tous détailler ; mais l’on peut signaler que Mars a ressemblé il y a des milliards d’années à la Terre : toute l’eau à sa surface a cependant été évaporée en raison d’un bouclier électromagnétique moins puissant face aux terribles vents solaires expulsés par notre étoile et par une pression atmosphérique moins élevée que la nôtre.
Pour autant, il ne faut pas croire que les choses se sont passées si simplement. Car l’eau qui se trouvait sur Terre lors de sa formation a été intégralement vaporisée lors d’une collision formidable avec un planétoïde d’une taille comparable à celle de Mars, laquelle a provoqué la formation de notre satellite, la Lune. Une catastrophe d’une ampleur sans équivalent qui est en particulier à l’origine du désaxement de la planète et par voie de conséquence du cycle des saisons en suivant sa révolution autour du Soleil.
Ce que l’on appelle le cycle de l’eau, qui fait la singularité de notre planète, est donc apparu il y a environ 3,9 milliards d’années à la suite d’un bombardement important d’astéroïdes en provenance de la ceinture de Kuiper, lesquels ont sans doute apporté 90% de l’eau que l’on trouve actuellement sur Terre.
Cette eau a d’abord été libérée sous forme de nuages gigantesques, avant que le refroidissement de la température à la surface de notre planète n’ait permis la libération de gouttelettes d’eau ; soit un véritable déluge qui a duré un à plusieurs millénaires pour former les océans, rivières et lacs, et ainsi lancer le début du cycle de l’eau. Ce qui n’est pas sans donner raison aux récits cosmogoniques de nombreuses traditions religieuses.
3. Du limon est née la vie
Contrairement à ce qui est répété, la vie n’est sans doute jamais apparue dans les océans… Cette vision vient des biologistes, qui ont remarqué que le plasma sanguin possède une composition chimique très voisine de celle de l’eau de mer. Ce raisonnement s’appuie sur une analogie en termes de fonctions, mais il ne tient pas compte des contraintes en termes de structure, qui est davantage la spécialité des chimistes et des physiciens.
Pour expliquer l’apparition de la vie sans invoquer un deus ex machina, il faut envisager une ère chimique qui a conduit à la formation de la première cellule : soit une ère durant laquelle les premières fonctions vitales (la catalyse, l’hérédité, la recombinaison et l’évolution) ont été assurées par de simples structures d’ARN, les ribozymes, capables de réaliser des réactions enzymatiques par elles-mêmes. Ce qui résout le problème de savoir qui de l’ADN ou des protéines (de l’œuf ou de la poule donc) est arrivé en premier.
Ces fameux ribozymes n’ont pu apparaître qu’à certaines conditions :
- d’une part, un milieu confiné pour favoriser des réactions de polycondensation
- d’autre part, un milieu bien à l’abri du rayonnement solaire très intense à cette période
Or, il est impossible de réunir ces conditions dans un océan où les réactifs sont tellement dilués et l’eau tellement abondante que les réactions des ribozymes n’ont aucune chance de se produire. Surtout que les réactions de polycondensation ont toutes en commun cette caractéristique de produire un déchet : de l’eau !
Par voie de conséquence, c’est donc plus vraisemblablement dans des feuillets argileux (à l’abri des rayons solaires) et au cœur des structures hexagonales de la glace (aptes à concentrer les réactifs organiques nécessaires) que la vie est née. Une hypothèse qui a l’avantage d’expliquer pourquoi tous les polymères biologiques sont à la base en forme de fils, parfaitement adaptés à la forme rectiligne des canaux hexagonaux de la glace.
4. Des cellules à l’émergence de la conscience
Loin donc d’un environnement océanique doux et tiède, en pleine lumière, les premières formes primitives de vie sont probablement apparues dans un environnement obscur et glacial. Toutefois, si la vie est née dans des feuillets argileux, elle s’est retrouvée rapidement à l’étroit.
L’étape suivante a donc été la conquête du monde environnant. Toutefois, pour y parvenir sans se faire agresser par le rayonnement solaire toujours très agressif, il a fallu qu’apparaisse la membrane plasmique : la fameuse membrane des cellules, dont on peut extrapoler le sens du point de vue de l’émergence de la conscience. Car en effet une membrane délimite une frontière tangible et nette entre un milieu intérieur et un milieu extérieur bien distinct, qui est la condition fondamentale pour que la conscience de soi puisse se dessiner.
Créer une telle membrane suppose de tirer profit d’un matériau fluide, apte à générer une force susceptible de forcer certaines molécules à se rassembler dans un volume confiné, mais qui soit également fortement cohésif. Ce liquide idéal est l’eau, car la molécule H2O conjugue une masse ridiculement faible (plus faible que l’oxygène) avec une cohésion remarquablement élevée (au point de rivaliser avec celle du mercure liquide).
Pour tisser les longues chaînes apolaires qui structurent les membranes plasmiques des cellules, la nature a simplement produit une molécule amphiphile, c’est-à-dire à la fois hydrophile et hydrophobe : une couche de lipides cernée de molécules aqueuses. De ce point de vue, la vie biologique se résume à un mélange d’eau et de graisses – ces dernières étant simplement formées du carbone minéral par la réaction de serpentinisation.
Ainsi, l’ancêtre premier de tous les êtres qui habitent notre planète est sans doute un organisme unicellulaire, constitué d’acides nucléiques empaquetés dans une membrane lipidique imperméable et pour une part hydrophile – membrane qui forme une frontière dynamique entre son milieu intérieur et l’environnement pour s’adapter en se nourrissant, se déplaçant, se divisant… en faisant des choix, même basiques, pour sa survie.
5. L’eau « morphogénique » et l’ADN
Pour mesurer davantage le rôle de l’eau à l’égard du développement de la vie organique, il faut considérer son importance majeure au sein de toutes les cellules, quelles qu’elles soient leur type. Une importance qui, pourtant, est occultée par la biologie.
En effet, la plupart des livres de biologie ou des articles consacrés à la composition de la cellule ne mentionnent l’eau que comme un constituant anodin qui représente 70% de sa masse. Cependant, en moles – c’est-à-dire en quantité de matière – l’eau représente 99% des constituants intracellulaires. Ce qui revient à dire que toute molécule qui évolue dans une cellule à 99% de chances de rencontrer une molécule aqueuse durant sa diffusion.
Cette donnée révèle d’emblée le rôle crucial de l’eau dans tous les processus biologique cellulaires. À titre d’exemple, l’ADN est le polymère le plus hydraté de la cellule : l’eau représente 95% de son poids total. Pourtant, la représentation de la célèbre double hélice qui contient le programme génétique se fait toujours sans sa gaine d’eau.
C’est une erreur profonde, car cette représentation donne l’illusion que la double hélice de l’ADN existe par des liens mécaniques qui lient les nucléotides entre eux. C’est oublier que les quatre bases nucléiques qui la constituent sont tous chargés négativement et se repoussent automatiquement : aussi, sans la gaine d’eau pour neutraliser les charges, la structure même de l’ADN explose instantanément (les expériences menées en laboratoire sur les tentatives de déshydrater l’ADN ont conduit à observer cette destructuration immédiate qui contredit la théorie selon laquelle les nucléotides tiennent par des liaisons phosphodiester).
Ce qui invite à envisager autrement la question des mutations génétiques ; car si la structure de l’ADN dépend non de l’appariement de ses nucléotides mais de la solvatation de l’eau, il paraît logique d’associer les mutations à de possibles problèmes d’hydratation.
Or, l’invisibilisation de l’eau cellulaire est liée au fait qu’à cette échelle, elle ne fonctionne pas comme l’eau liquide que l’on connaît bien à notre échelle. En effet, les molécules aqueuses sont adsorbées en couches de manière dynamique autour des composants cellulaires et se comportent comme un gel. C’est pourquoi les physiciens parlent d’un quatrième état de l’eau que certains désignent par le terme d’« eau morphogénique ».
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La nature jaillissante de la Vie qui nous traverse – qu’on la considère du point de vue biologique ou du point de vue des affects qui tissent notre intériorité – l’assimile à une source aussi mystérieuse qu’infinie. Pourtant la soif, qui est le sentiment naturel traduisant le besoin de s’hydrater, apparaît comme une contingence dérivée d’un corps fragile, assujetti au besoin de se nourrir pour entretenir sa capacité à fonctionner.
Toutefois, considérer la relation intime entre l’eau et la vie, depuis la création des molécules H2O au sein des étoiles jusqu’aux premières matrices organiques et leur rôle fondamental dans tous les processus cellulaires, permet d’envisager l’enjeu de s’hydrater sous un angle plus vaste que les injonctions liées au bien-être au quotidien. Car cela trace une destinée prodigieuse de l’eau dont nous ne sommes finalement que l’extrême-amont.
Dans cette perspective, l’expérience de la soif désigne à travers nous le mouvement même de la Vie qui manifeste de façon sensible sa propre soif d’épanouissement, tant il est vrai que l’eau n’est pas seulement une nourriture pour notre corps mais une matière étonnante dont les propriétés lui permettent de donner forme aux éléments matériels clefs du vivant – des parois de la cellule à la double hélice de l’ADN.
Et l’on comprend d’autant mieux le rôle de l’hydratation lorsque l’on considère l’enjeu pour le corps de remplacer près de 20 milliards de cellules qui meurent chaque jour grâce au travail de 20 millions d’entre elles qui se divisent à chaque seconde, de façon parfaitement silencieuse.
Pour finir, cette analyse invite à rompre avec l’un des grands dualismes qui marquent la pensée occidentale depuis les travaux de Descartes : la séparation entre le monde matériel et le monde spirituel. Car il apparaît que l’eau, qui est le support de la vie, est aussi in fine la clef de ce que l’on appelle la conscience (ce que nous développons de façon plus poussée dans un travail de nature universitaire).